À moins d’utiliser un appareil déjà vieux de plusieurs générations, les appareils numériques sont tous capables de faire à la fois des photos et des vidéos. D’abord présente avec les appareils compacts (qui ont pratiquement disparu aujourd’hui), cette capacité a rapidement été ajoutée aux appareils reflex avant de passer aux sans-miroirs actuels. On pourrait donc penser qu’il serait facile de passer rapidement d’un mode à l’autre au cours d’une randonnée ou lors d’un voyage, mais la réalité est un peu plus nuancée. Il m’est souvent arrivé de revoir mes images après une sortie ou un voyage et de me dire « j’aurais donc dû » faire une vidéo en plus de la photo. Connaissant les capacités de mes appareils, pourquoi est-ce que je n’ai pas tiré avantage de l’opportunité?
Le problème ne réside pas dans l’appareil ou dans une situation particulière, mais plutôt dans les modes de pensée qui sont fondamentalement différents entre la photographie et la vidéo. Le photographe qui cherche à produire des images statiques pense en fonction de la composition, de la lumière, de la profondeur de champ, pour produire une image fixe qui aura le plus d’impact possible. De son côté, le vidéaste pensera plus en fonction du mouvement, tant celui du sujet que celui de la caméra. Bien sûr, les éléments de composition demeurent également importants en vidéo, mais d’autres aspects techniques n’ont rien à voir avec la photographie. Prenons par exemple la vitesse d’exposition. En photographie, on peut choisir d’utiliser une exposition rapide pour figer le sujet, ou au contraire, sélectionner une vitesse lente avec un sujet en mouvement pour créer une image présentant des flous suggestifs. En vidéo, la vitesse doit demeurer fixe; elle sera normalement le double du nombre d’images par seconde de la vidéo finale. Une vidéo normale défile à 30 images par seconde, donc la vitesse d’exposition sur l’appareil sera normalement réglée à 1/60 de seconde. Pour contrôler l’ouverture et la profondeur de champ, le vidéaste devra jouer avec son ISO, quitte à utiliser un filtre de densité neutre si l’ouverture est trop fermée pour obtenir une profondeur de champ limitée.
On voit donc que les deux types de prises de vues demandent une approche très différente, qui se reflète jusque dans notre façon de penser et d’approcher le sujet. Oui, il est possible de passer de l’un à l’autre des modes de prises de vue en quelques secondes; on peut même tirer avantage des boutons de préprogrammation (les modes « custom) que l’on retrouve sur plusieurs appareils haut de gamme en assignant un bouton pour la vidéo et un autre pour la photo et ainsi passer plus facilement de l’un à l’autre. Il est malheureusement plus difficile de passer aussi facilement d’une façon de penser à l’autre lorsque l’on cherche des sujets. On parle souvent de « prévisualisation », c’est-à-dire d’anticiper un résultat donné que l’on s’efforcera ensuite de reproduire. Lorsque l’on est en recherche de photos, on travaille à produire une image fixe, et automatiquement notre façon de penser s’attarde au choix de réglages et de composition pour obtenir un résultat qui mériterait peut-être de se retrouver dans un cadre sur le mur du salon. À contrario, si on part avec l’idée de faire de la vidéo, on doit penser différemment pour anticiper les mouvements et l’action qui s’offrent devant nous; on pensera cadrage, mais aussi mouvements de caméras pour suivre le sujet ou pour créer un effet cinématographique intéressant avec un sujet immobile. Devant un paysage, le photographe choisit sa focale pour couvrir la totalité de l’image qu’il veut enregistrer. Devant le même paysage, le vidéaste choisira possiblement une optique plus longue et fera un « pan » de gauche à droite pour couvrir la même scène, mais de façon plus dynamique. Contrairement à une photo, en vidéo on doit souvent bouger l’appareil pour obtenir un résultat plus intéressant.
Comme on peut le voir, il sera souvent plus productif de partir avec une idée en tête, photo ou vidéo, plutôt que d’espérer passer facilement de l’un à l’autre. Par contre, en connaissant les difficultés que peut présenter cette flexibilité, on pourra parfois réussir à faire un peu des deux de façon raisonnable.
Les téléphones intelligents peuvent également faire la même chose, mais malheureusement, on a vu l’apparition de cette tendance qui me déçoit et m’exaspère : les vidéos en mode vertical…
LES PHOTOS

Une belle image de fou de Bassan. Bien nette et bien exposée, mais elle ne bouge pas…
Olympus E-M1 Mark II, 40-150 et 1.4 x à 210mm, 1/2500 à f/9.0, ISO 640

Une autre belle image, mais qui ne transmet pas toute l’interaction qui se passe entre les deux oiseaux de ce couple.
Olympus E-M1 Mark II, 300mm et 1.4 x, 1/2500 à f/11, ISO 400
Réalisée il y a déjà plusieurs années avec mon premier appareil capable de faire des vidéos, cette séquence montre bien ce qui se passe autour d’une colonie de fous de Bassan, avec sons et mouvements.
Canon Powershot A570 en mode vidéo
Un plan plus rapproché avec un peu de mouvement. On peut voir ici le risque de
travailler sans trépied…
Canon Powershot A570 en mode vidéo
Un plan fixe aurait donné une information limitée; un mouvement de caméra permet de montrer non seulement l’espacement entre les nids, mais aussi le fait que la colonie continue sur une bonne distance.
Canon Powershot A570 en mode vidéo
J’ai participé à plusieurs documentaires en tant que caméraman spécialisé. Pour cette séquence d’une mouche à chevreuil, on m’avait demandé un gros plan de ses yeux particuliers; la voir se nettoyer les yeux a ajouté de l’intérêt supplémentaire.
Olympus E-M1 Mark III, 60mm macro
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