UN TÉLESCOPE NUMÉRIQUE
- Christian Autotte

- il y a 3 jours
- 6 min de lecture
Il y a quelques années, lorsqu’une partie de mes revenus provenaient de la photographie, les manufacturiers de caméra s’efforçaient de produire des appareils avec toujours plus de mégapixels. En augmentant la résolution, on augmentait d’autant la qualité de l’image et la possibilité d’agrandissements. Les 20 mégapixels que j’utilise toujours étaient à une époque à la fine pointe de la technologie, avant d’être rapidement dépassés par des 50 mégapixels. Aujourd’hui, on trouve même des 102 mégapixels, les Fuji GFX 100S et Hasselblad X2D II 100C.
Mais pour les amateurs, les choses ont bien changé. La plupart des gens partagent aujourd’hui leurs images sur les réseaux sociaux ou les regardent sur les écrans de leurs téléphones, tablettes, ou ordinateur portable. La résolution monstrueuse des appareils professionnels devient alors non seulement inutile, mais même une nuisance, à cause de la taille des fichiers.
Depuis ma retraite au Bas-Saint-Laurent, je profite d’un ciel relativement dénué de pollution lumineuse (comparé à celui de Montréal!) pour faire de la photo d’astronomie. Je suis arrivé en région avec un télescope Celestron de 8 pouces, auquel j’ai ajouté un télescope solaire Coronado PST. Pour faire mes photos, j’utilise toujours mes appareils Canon plein cadre et mon micro 4/3 Olympus. Deux petites caméras USB se sont rajoutées aux appareils plus conventionnels : la Celestron Neximage 5, pour faire de la photo planétaire, et une des nombreuses ZWO noir et blanc, pour photographier le soleil et la Lune. Ces dernières caméras sont dotées de capteurs modestes, respectivement de 5 et 8 mégapixels. Pour des raisons techniques trop longues et compliquées à expliquer ici, c’est le genre de résolution qui est nécessaire pour photographier des objets aussi petits que les planètes.
Ce long préambule m’emmène à présenter mon nouveau jouet… La compagnie ZWO a créé un télescope entièrement numérique et automatique, le Seestar S50. Dénué d’oculaire, on ne peut pas l’utiliser pour regarder directement les objets astronomiques. Il est donc conçu pour être utilisé avec un appareil numérique doté de WiFi ou Bluetooth, téléphone ou, idéalement, une tablette. On peut dès lors, non seulement voir mais surtout photographier de façon plus ou moins conviviale. Et la portée du Wifi/Bluetooth est assez bonne pour que le télescope soit placé à bonne distance devant la maison pendant que je contrôle le tout bien au chaud dans mon salon…
Le Seestar utilise une carte du ciel, mise à jour avec l’heure et la localisation de l’appareil numérique, le télescope peut non seulement localiser toutes les cibles astronomiques, mais aussi maintenir sa position en suivant le mouvement des étoiles! La mise au point et l’exposition sont automatiques, mais on peut également les ajuster manuellement. Mais ça va plus loin. Le Seestar est conçu d’abord et avant tout pour simplifier la prise de vue des objets astronomiques du « ciel profond », c’est-à-dire les nébuleuses, amas d’étoiles, et galaxies. Mais ces objets sont typiquement peu lumineux, de sorte qu’une courte exposition ne permettra pas de les voir dans l’image. Le Seestar permet alors de multiplier les expositions et de les empiler les unes sur les autres, ce qui permet d’augmenter la luminosité de l’image finale. C’est une technique que j’utilise couramment avec mes autres télescopes et appareils, en faisant appel à des logiciels spécialisés comme DeepSky Stacker ou Sequator. Encore mieux, le Seestar détecte si un satellite passe dans une image et s’occupe alors de la rejeter, tout en affichant un message pour vous avertir. Et si, par malheur, les nuages commencent à voiler les images, le télescope vous avertit également qu’une image a été rejetée par manque d’étoiles visibles!
Tout cela peut paraître merveilleux et on pourrait croire que les autres télescopes seront bientôt relégués aux oubliettes, mais il y a quelques bémols…
Premièrement, contrôler un télescope à travers une application n’est pas toujours aussi facile qu’on pourrait l’imaginer; il faut un peu de pratique avant de devenir compétent. Le manuel d’utilisation est pratiquement incompréhensible; il semble n’être qu’une mauvaise traduction Google. Heureusement, en cherchant un peu sur le Web on peut trouver des « manuels non-officiels » qui sont plus compréhensibles. Certains des contrôles sont parfois frustrants à utiliser, à tel point que je me suis procuré un stylet pour mieux les sélectionner avec précision.
Puisqu’il est dénué d’oculaire, il est impossible de changer le grossissement du Seestar. Sa longueur focale de 250 mm semble limitée, mais il faut prendre en compte la taille de son capteur; comparé à un plein cadre, il faut multiplier par environ 6,5, ce qui donne une focale équivalente de 1625 mm. En fait, avec certains sujets, comme la galaxie d’Andromède, le champ de vision ne sera pas assez large et il faudra combiner plusieurs images pour avoir la totalité du sujet. La résolution du capteur intégré est de 1920x1080, soit 2 mégapixels; on peut toutefois la doubler dans l’appareil avec une méthode nommée « drizzling » qui interpole en quelque sorte l’image de base. Un mode « Lune » et un mode « Soleil » (avec un filtre solaire fourni à l’achat), permettent d’obtenir une image des deux astres, mais impossible de zoomer pour voir quelques cratères ou taches solaires. Autre désagrément, son capteur allongé au format 16x9 donne des images verticales et il est impossible de faire une rotation dans un sens ou dans l’autre; avec certains sujets, il peut être nécessaire de faire plusieurs images qui seront ensuite assemblées en postproduction.
Le Seestar ne remplacera jamais tout à fait les télescopes traditionnels. Par contre, il simplifie grandement la prise de vue des objets du ciel profond. Il élimine les frustrations qui peuvent survenir lorsque le télescope n’est pas parfaitement aligné sur la Polaire et se met à « glisser » au point de perdre de vue l’objet photographié. On le met en œuvre en quelques minutes à peine. Son poids super léger et sa pile intégrée de bonne capacité permettent de le transporter n’importe où pour profiter des ciels les plus purs. Pour toutes ces raisons, j’ai décidé de me payer ce petit cadeau. Malgré quelques frustrations du début, il devrait s’avérer utile dans ma quête d’images astronomiques.
LES PHOTOS

Le télescope monté sur un simple trépied photo. Petit et léger, il est facilement portable.

Le télescope arrive bien protégé dans une petite valise qui inclus même un mini trépied en fibre de carbone.

Sans être parfaite, l’application est assez conviviale. En bas, au milieu, on voit un chronomètre qui indique le nombre de secondes de la photo qui s’enregistre. En haut à droite, on peut voir le nombre de minutes totales de l’exposition. Le long de la bordure droite s’alignent les différents outils.

La toute première image que j’ai réalisée. Il faut un peu de pratique pour bien contrôler l’exposition. Bien qu’elle n’ait pas la qualité des images que je réalise avec mon télescope de 8 pouces, elle est tout à fait acceptable pour obtenir un cliché rapidement.
Seestar S50, 1/240 à f/5.0, ISO 4207, image recadrée en format 4/3

Le télescope permet de photographier, mais aussi de faire des vidéos. Avec logiciel AutoStakkert j’ai donc empilé des images de la Lune pour obtenir un cliché un peu plus net. Là encore, mon 8 pouces est meilleur, mais plus long à mettre en œuvre.
Seestar S50 en vidéo à 30 images seconde, 20% de 617 images empilées

Le Seestar permet de « zoomer » avec un facteur de 2 ou 4X, mais en fait, il ne fait que recadrer son image. Cette image est donc passée de 1080x1920 pour finir avec 536x960 pixels.
Seestar S50, 1/130 à f/5.0, ISO 7614

La nébuleuse NGC 281, connue également comme la « Pacman » à cause de sa forme. C’est avec de genre de sujets que le Seestar se démarque. C’était ma première tentative de photographie de « ciel profond » avec le télescope. Si le Seestar produit par défaut une image verticale, rien n’empêche de la retourner sur le côté en postproduction.
Seestar S50, 1200 secondes (20 minutes) à f/5.0, ISO 80

La faiblesse du système est l’impossibilité de changer de grossissement; dans certains cas, il faut accepter un champ de vision trop étroit ou trop large, comme ici, avec le groupe des Pléiades. Même avec une durée d’exposition limitée, on commence à voir les nébulosités.
Seestar S50, 200 secondes à f/5.0, ISO 50

Les pléiades photographiées avec un téléphoto de 300 mm monté sur tête de télescope motorisée. Beaucoup plus de travail nécessaire, mais le résultat parle de lui-même.
Olympus E-M1 Mark III, 300 mm, 42.5 minutes à f/5.6, ISO 1600, empilement de 43 images

Un autre exemple du champ de vision étroit du Seestar. Pour avoir la totalité de la Galaxie d’Andromède, il me faudra faire au moins quatre images côte à côte et les assembler comme une image panoramique. Mais là encore, c’est la facilité de la prise de vue qui donne son charme à ce télescope. Avec seulement 10 minutes d’exposition, on voit déjà beaucoup de détails.
Seestar S50, 600 secondes (10 minutes) à f/5.0, ISO 80

La même galaxie photographiée avec un téléphoto sur monture de télescope motorisée. On voit bien à quel point le Seestar donne une image trop serrée avec certains sujets. Mais j’ai l’impression que ce sera un problème mineur...
Olympus E-M1 Mark III, 40-150 et 1.4x, 5328 secondes (88.8 minutes) à f/4, ISO 3200
Sans aucun doute, j’aurai d’autres blogues à écrire sur les images qui sortiront de mon Seestar S50, comme les groupes qui seront assemblées ou sur des images de sujets plus éloignés. À suivre…





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